Neurolinguistique : réinventer l'apprentissage des langues
Posté le 23/07/2024 — Actualité précédente / suivante |
Alors que les grandes vacances battent leur plein, les stages linguistiques et les séjours à l’étranger attirent de nombreux apprenants en quête de nouvelles méthodes pour maîtriser une langue étrangère. Pourtant, selon les récentes découvertes en neurolinguistique, c'est l'approche communicative qui pourrait bien s’avérer la plus efficace. Cette branche des neurosciences se penche sur les processus neurologiques liés à l'acquisition du langage et propose des pistes innovantes pour réimaginer l'enseignement des langues.
La première conclusion des chercheurs en neurolinguistique concerne le rôle crucial du contexte dans l'apprentissage. Le cerveau humain ne parvient à mémoriser durablement une langue que lorsqu'il peut établir des liens pertinents avec les connaissances existantes. "C'est pour cette raison qu'un contenu appris par cœur pour un examen est souvent vite oublié", explique Annick Comblain, professeure à l'ULiège et experte en bilinguisme. En d'autres termes, le contexte facilite l'intégration et la rétention du vocabulaire et de la grammaire.
Un autre aspect intéressant est l'interconnexion des langues dans le cerveau. Il n’existe pas de régions distinctes pour chaque langue apprise, mais plutôt une interdépendance. Cela signifie qu'une personne francophone trouvera plus aisé d'apprendre l'italien que le russe, en raison de la proximité linguistique entre les deux premières langues.
Repenser les méthodes traditionnelles
L'étude des listes de vocabulaire de façon isolée s'avère peu efficace, car les mots appris sans contexte sont vite oubliés. Par exemple, savoir que "mouton" se traduit par "sheep" en anglais est moins utile sans connaître les nuances d'utilisation comme "mutton" au restaurant.
De même, regarder des films sous-titrés ou jouer à des jeux vidéo en langue étrangère ne suffit pas à développer la compétence orale, même si cela aide à se familiariser avec la sonorité de la langue. Selon la neurolinguistique, traduire des phrases n’est pas non plus la meilleure méthode, car le cerveau différencie la traduction de l’idée et son expression.
L'expression et la correction : clés de l'apprentissage
Les exercices d’expression, tant oraux qu'écrits, sont recommandés. Ils encouragent le cerveau à formuler des idées et à interagir véritablement. Cependant, l’expression seule ne suffit pas : la correction des erreurs joue un rôle essentiel. "Par exemple, un enfant apprend d’abord à dire 'des chevaux' au lieu de 'des chevals', bien avant de comprendre la règle grammaticale", illustre Annick Comblain.
Des applications comme Duolingo utilisent cette approche en corrigeant les erreurs à partir de phrases contextualisées, ce qui peut être bénéfique pour les adultes, plus motivés et dotés de meilleures capacités cognitives. Cependant, pour les enfants, qui ont besoin de spontanéité, un accompagnement supplémentaire est souvent nécessaire.
Bien que les applications intègrent de plus en plus l'intelligence artificielle pour simuler des conversations réalistes, rien ne remplace l’interaction humaine authentique. Des activités comme les tables de conversation, les cours axés sur l’expression orale, ou encore l’immersion linguistique, se révèlent particulièrement efficaces.
Malgré ces enseignements, Annick Comblain souligne que les méthodes neurolinguistiques restent peu intégrées dans l'enseignement traditionnel. "Les cours se concentrent souvent sur la mémorisation de règles de grammaire, sans offrir un entraînement régulier à la communication", déplore-t-elle.
Le Vif, 23 juillet 2024